Nicolas Pichon et Oumnia Benrahmane, tous deux étudiants de cinquième année d'Epitech (promo 2017), ont intégré l'Option E de l'ESCP. Ce programme - Option E comme Entrepreneuriat - dure 4 mois. « 4 mois pour libérer l'entrepreneur qui est en vous » et dont le premier jalon public se joue à l'occasion du vernissage de l'exposition « Improbable ». Ce vernissage se fait dans des conditions réelles où les groupes d'élèves, après avoir réalisé une œuvre d'art en trois jours à partir de leur projet ad hoc, la confrontent au public, le jour J. C'était jeudi 15 septembre à La Villa Belleville.
20 ans d'Improbable
Maëva Tordo, qui dirige les incubateurs européens de l'ESCP - la Blue Factory (start-up sublimator) -, et la chaire entrepreneuriat de l'école de commerce (chaire EEE), rappelle que « l'Option E, créée en 2007, est proposée sur nos campus de Paris, Madrid, Berlin et Londres. Partout, on commence par un séminaire comme celui-ci. On l'appelle « Improbable », il amène les étudiants à créer des œuvres d'art autour de leurs projets définis pour l'occasion. Ce séminaire Improbable en est lui à sa 20ème édition ».
« Ce qui est important dans ce moment fort, c'est qu'il prend place dans une formation pluridisciplinaire avec à la fois des designers, des ingénieurs, des business. Dans un délai très serré, 3 jours très intenses, ils sont forcés de décloisonner leurs façons de penser. Ce n'est en effet pas simple de travailler entre profils différents ».
Futuribles
« On travaille sur les mêmes modalités avec des entreprises car cela permet à des collaborateurs d'une même entité de s'interroger sur le futur. Ces modèles sont basés sur ce qu'on appelle l'hétérotopie : créer une utopie réaliste du monde. Il s'agit d'un dispositif qui permet d'oser imaginer le monde qui peut arriver. Ce sont des futurs possibles, après, est-ce qu'ils sont souhaitables... c'est cela qui est questionnant ».
Faire marché de tout
En réfléchissant sur ces futurs souhaitables, ou pas, Nicolas Pichon et ses 4 co-équipiers ont « réalisé un site pour pouvoir acheter des organes. On sélectionne d'abord, précise Nicolas, un organe puis on affine la recherche avec des critères sociaux. Par exemple, si on cherche un cerveau, on va plus s'intéresser au profil LinkedIn de la personne. A contrario, si on cherche du bras musclé, on va aller voir sur Tinder... Après la sélection on achète l'organe et l'on est livré en 48 heures... J'ai fait l'interface de cette idée d'application en... 5 heures».
Le revers de la médaille
« L'idée au fond était de signifier que l'économie collaborative, sous les atours d'une jolie application, de promesse de liens sociaux, peut aussi produire tout le contraire de cette promesse. On a voulu dire en gros que le tissu social pouvait nuire au tissu humain et c'est pour cette raison que l'on a appelé ce projet : "Démembrement". On le montre de la meilleure des manières, avec un vrai cœur, un vrai rein et un pied ».
La matrice Blockchain
Oumnia de son côté et son groupe sont partis du côté des hypothèses liées à l'avenir de la décentralisation via la blockchain : « notre "œuvre", c'est "Marianne 3.0". Le buste avec le bitcoin dessus c'est pour signifier la révolution. Tout le monde pense que le bitcoin et la blockchain vont révolutionner notre futur, changer notre façon de vivre, puisque la décentralisation enlève les intermédiaires, nous libérera des banques etc. ».
Face et pile
« Mais avec l'arrière du buste, on montre l'envers du décor : ce qui est bon d'un côté peut devenir quelque chose de nuisible au fur et à mesure de son déploiement... En tout cas, on veut amener les gens à s'interroger sur le sens de cet emballement : la blockchain par exemple permet l'anonymat mais quid de la cyber criminalité, par exemple... D'où ces mèches de cheveux, ces taches de sang, ces petits vers derrière le buste... ».
« On n'a pas la prétention de se proclamer artistes, souligne-t-elle, mais on y a mis du cœur. On a voulu représenter ce qu'on pensait, les feedbacks sont a priori plutôt bons. Marianne 3.0 est aussi une manière de dire que ce système peut nous ronger de l'intérieur au fur et à mesure. Les vers tendance asticots peuvent impressionner certaines personnes, c'est vrai... (sourires) ». Ces jeunes gens entreprenants ne tomberont jamais dans l'enthousiasme béat.