La Piscine Moonshot, dont c'est la troisième édition, s'est ouverte en deux temps cette année. Ce lundi 5 septembre, Emmanuel Carli, directeur général d'Epitech et Thierry Keller, rédacteur en chef du magazine Usbek & Rica, magazine avec lequel l'école co-organise l'événement, sont revenus sur l'ambition de cette « opération idéation » et ses enjeux pédagogiques devant toute la promo 2019 réunie. Ce mardi, le premier conférencier a "lancé les hostilités", la propulsion hors du domaine purement informatique pour commencer sa troisième année dans le cursus Epitech. Il s'agissait de François Taddéi, directeur du CRI, Centre de Recherches Interdisciplinaires de l'université Sorbonne Paris Cité.
Le contexte
Lundi, Emmanuel Carli a rappelé à toute cette promo 2019 du réseau des 12 écoles Epitech, réunie physiquement ou à distance, le contexte d'une Moonshot : « votre job, c'est le software engineering et le job d'Usbek & Rica, c'est de travailler sur les enjeux du futur... On construit avec eux des séries de conférences avec des personnes qui sont des "pointures" et qui vont vous expliquer quels sont ces enjeux. »
Les enjeux
« Nous avons initié la Piscine Moonshot il y a 3 ans, l'objectif est de vous inciter à travailler sur des sujets qui ne sont pas que technologiques. Nous souhaitons que vous travailliez sur des sujets de fond, sociétaux, économiques voire même philosophiques. Avec cette Moonshot, l'objectif est de travailler sur des projets où vous apporterez, avec l'outil informatique, des réponses prenant en compte les besoins du plus grand nombre ».
Les 3 thèmes de 2016
« Cette année nous avons choisi 3 thèmes : l'éducation, le travail et le vivre ensemble. Vous êtes bien placés pour savoir que le numérique transforme de manière profonde la relation à l'éducation, au travail - regardez Uber, du point de vue technologique, ce n'est pas délirant. En revanche, si Uber arrive un jour à supprimer les taxis, VTC etc. en passant aux voitures autonomes, là ce sera vraiment disruptif dans tous les sens du terme - et là nous aurons de vraies questions : l'informatique supprime en effet de l'emploi ».
Thèmes et actu
« D'où le deuxième thème, le travail - regardez en Chine, on licencie des dizaines de milliers personnes au niveau des chaînes de montage électronique notamment, en les robotisant. Et enfin le vivre-ensemble - il n'y a pas besoin de s'étaler sur la question pour comprendre qu'en ces temps difficiles, c'est un sujet sur lequel il faut vraiment travailler ».
Le chemin de l'innovation
« Cette première phase d'idéation commence aujourd'hui, elle va durer jusqu'au mois de novembre, les 3 thèmes étant déclinés en 4 conférences pour mieux les approfondir. C'est le moment pour vous de vous positionner, n'ayez pas de limites. Imaginez-vous en Elon Musk dans 10 ans ».
MVP puis EIP
« Ensuite, vous développez un MVP, entre novembre et février, vous commencez à prototyper et montrer votre "proto" au cours de Forward. Et ensuite jusqu'au Forum EIP, vous industrialisez, ce qui fait qu'en cinquième année, vous arrivez avec une solution à 95 % finalisée, ce qui veut dire que si des investisseurs veulent investir sur votre projet, ils pourront le faire ».
Apprendre à apprendre
François Taddéi - que l'on a pu voir aux côtés de Fabrice Bardèche, vice-président exécutif de IONIS Education Group à l'Université de la Terre 2015 -, était hier mardi 6 septembre chargé d'animer la conférence dénommée : "Apprendre à apprendre et toujours apprendre - pour la fin de l'obsolescence humaine programmée". Sa réponse à la première question de Thierry Keller, centrée sur la valeur d'un diplôme et sur les moyens de reconnaitre les compétences d'un individu a très vite accroché l'assistance.
La reconnaissance de la connaissance
« Aujourd'hui, on a besoin de définir de nouvelles formes de reconnaissance. Aujourd'hui, Google regarde au moins autant les traces numériques que vous avez laissées, par exemple sur des plateformes comme Github ou Stack Overflow, que vos diplômes. D'ailleurs quand ils corrèlent la capacité de leurs ingénieurs avec leur productivité, ce n'est pas tant le diplôme qui est le meilleur prédicteur que cette capacité à avoir fait des choses. De ce point de vue-là le monde du numérique et ses métiers sont relativement pionniers par rapport à d'autres domaines (...) ».
Message à destination de notre jeune génération
« Aujourd'hui, on apprend aussi beaucoup de chose via le web, or nous avons très peu de formes de reconnaissance de ce qu'on y apprend. Dans 2, 3 ans vous sortirez avec un titre de l'école mais vous allez évidemment apprendre à apprendre tout au long de votre vie or progressivement, qu'est-ce qui vaudra le plus sur le marché du travail, est-ce que c'est votre diplôme d'origine ou l'ensemble des choses que vous aurez su faire et apprendre par la suite ? Comment garde-t-on des traces de cela ? On a besoin d'inventer des process qui vont nous permettre de reconnaître les connaissances qu'on acquiert ».
Idées à saisir
« Par exemple parmi les nouveaux défis qu'on pourrait avoir, on peut imaginer une sorte de Google map de la connaissance, où l'on voit ce que vous savez déjà, les domaines que vous avez déjà visités, ceux que vous aimeriez parcourir, la médecine, la santé, l'éducation ou un des sujets que la Moonshot va vous proposer, quel est le plus court chemin pour y parvenir. Aujourd'hui on n'a pas accès à ce genre de choses ».
Longueur d'ondes
Cette conférence, comme souvent avec François Taddéi fut très riche. Et l'on prend parfois plaisir à se sentir coïncident : « « j'en profite pour féliciter ceux qui vous accompagnent dans cette démarche parce que je pense qu'une Moonshot vous aide à vous poser les bonnes questions. Ce n'est pas suffisant d'être un bon technicien, d'être un bon ingénieur parce qu'une partie des logiciels et des algorithmes que vous allez apprendre vont être obsolètes demain... Ce qu'il faudra, c'est que vous soyez capables de vous poser les bonnes questions ».
Besoin de vous
« Il y a besoin d'une nouvelle génération qui se dise qu'elle peut contribuer à résoudre des problèmes de plus en plus complexes. Si vous vous confrontez à ces problèmes, vous ne les résoudrez évidemment pas totalement, de par leur complexité, mais vous apprendrez des tonnes de choses au passage. Vous apprendrez à reformuler, vous apprendrez à voir quelles peuvent être les solutions qui peuvent être recombinées, "hackées". Vous apporterez au-moins une brique de solution ».
Espace et temps
« Vous verrez que d'autres, à l'autre bout de la planète, ont d'autres briques de solution et éventuellement, vous pourrez aussi "gravir des épaules de géant" comme on dit, c'est-à-dire regarder ce que d'autres ont fait avant, vous en inspirer et adapter cela aux défis que vous déciderez de relever. » Ce n'est pas parce que la révolution numérique est en train de se dérouler sous nos yeux qu'elle casse le fil de la transmission entre générations.
Agenda
Cette révolution et ses conséquences, on en parle aujourd'hui avec Mounir Mahjoubi, président du Conseil National du Numérique, en attendant demain Bernard Stiegler.